Pour une raison aussi inexplicable et obscure que le triangle des Bermudes, à l’annonce d’une grossesse, les gens ressentent le besoin viscéral de donner gratuitement et en abondance des conseils. Femmes, hommes, jeunes, vieux, attache ta tuque avec de la broche ma chère, y’a pas de discrimination : tout le monde sait ce que tu as besoin de savoir pour ta future carrière de mère. Comme si ta grossesse devenait soudainement une propriété publique, sur laquelle chacun a une opinion et pour laquelle chacun peut se prétendre le gardien.
Tout va y passer, tant dans ce que tu fais que dans ce que tu ne fais pas. Les remèdes de grands-mères qui savaient qu’il faut-mettre-la-tête-du-berceau-au-nord-pour-qu’il-fasse-ses-nuits, le choix du prénom es-tu-sûre-qu’il-ne-se-fera-pas-niaiser-avec-un-nom-de-même, la oh-combien-sensible-question-de-vas-tu-allaiter-ou-non, les principes élémentaires et essentiels de l’éducation de ta crevette pour les dix-huit prochaines années, je te le dis : Tout. Va. Y. Passer.
Et au moment où tu vas te dire devant un conseil des plus farfelus donné avec le plus grand des sérieux par cet inconnu non sollicité que c’est clairement le boutte du boutte, vlan! En arrivera un autre encore plus insoupçonnable et saugrenu que tu qualifieras du raboutte de tous ces bouttes.
Je te le dis ma chère, j’ai découvert la signification du mot flabergastée à ma première grossesse. Et ne te fais pas d’illusion, car même la médème de soixante-deux ans qui n’a jamais eu d’enfants va pouvoir te parler de ce que sa propre mère faisait, la citant comme l’exemple frôlant la sainteté du quoi-faire-et-surtout-ne-pas-faire. Parce qu’on sait toutes que l’éducation d’il y a soixante ans est transposable à la vie d’aujourd’hui. Que les mères, tantes et cousines de jadis ont compris des règles de base que toi, insouciante ou pas vite vite, tu ne sembles pas saisir.
Le seul conseil que je peux te donner est de te faire confiance et de ne pas accorder trop d’importance à tous ces conseils. Alors que dans ton cœur grandira la culpabilité pour tout et pour rien à une vitesse proportionnelle à celle que grandira ta marmaille, tu n’as pas à t’en faire avec ce que les autres jugent utile de te faire savoir.
Personne au monde n’aimera cet enfant autant que toi.
Oui, tu feras des erreurs, non tu n’auras pas la réponse à tout. Oui, tu traverseras de grands brouillards de doute sur tes capacités parentales, mais non, tu ne gâcheras pas sa vie si tu ne suis pas à la lettre tout ce qu’on te prescrit.
Au bout du compte, c’est toi sa maman. Ce sera toi qui sauras. Et je te l’assure, dans le doute, tu sauras.
Bon, ça y est, je fais partie du groupe de conseillers non sollicités malgré moi.
Fais-en ce que tu veux ma chère. Désolée.
ISABELLE CLERMONT |
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