T’es à l’école, ma belle préado, et moi je vis encore un matin où je feel cheap. Cheap de t’avoir encore laissé partir pour la journée dans une situation de conflit non résolu entre nous deux.
Je feel mal parce que je sais que c’est rien que le début, pis que ça ressemble un peu trop à mon adolescence à moi, mais en plus précoce. En ben trop fucking précoce. À ton âge, je jouais encore aux Barbies pis j’peux pas croire que toi pis moi, on a déjà commencé à se chicaner sur ton accoutrement avant de sortir de la maison. D’un côté du ring, il y a toi et ton désir de plaire et d’affirmer l’adolescente que tu veux devenir ben que trop tôt. De l’autre bord, il y a moi, ta mère, avec mon inquiétude des impacts possibles de l’image que tu veux tant projeter.
T’es encore trop petite, mon enfant, pour savoir tout ce qui se dit dans les médias en ce moment à propos du message qu’on souhaite transmettre aux générations futures. Ta mère aurait ben envie de prendre sa pancarte et d’aller, elle aussi, manifester pour que les femmes soient traitées en tout temps avec respect dans notre société. Parce qu’en 2016, une femme devrait pouvoir se promener sur la rue en minijupe sans devoir se faire blâmer de quoi que ce soit.
Mais quand c’est toi que je vois attriquée sexy, ma fille de 10 ans, mon discours change. Autant je te trouve magnifique, autant ça me shake en dedans de te voir l’allure à certains moments. Tu peux bien mettre ce que tu veux dans la maison pis passer deux heures devant le miroir à faire ta belle pis à te prendre en selfie, mais y’est pas question que tu mettes le nez dehors avec ce que t’avais sur le dos à matin.
Y’est pas question que tu ailles te promener dans le chemin où tu attirerais rien que ben que trop l’attention s’il s’adonnait à passer par là un maudit malade pas capable de retenir ses pulsions. Je sais de quoi je parle, ma fille, parce que j’me suis déjà fait accoter dans un banc de neige par un gars dans son char sur ma propre rue quand j’étais adolescente. Ce soir-là, je portais des collants rouges flash pis une jupe pas mal courte. Me semble, ma chérie, que c’est pas nécessaire que tu vives la même chose pour comprendre que tu mets ta sécurité plus à risque quand tu fais ta sexy. Mais du haut de la naïveté de tes dix-ans-bientôt-seize, je te fais rouler des yeux avec mes histoires.
Y’est pas question que tu ailles à l’école primaire habillée de même non plus, ma belle préado. Je sais bien qu’on pourrait s’obstiner longtemps sur l’interprétation du code vestimentaire de ton école. Mais au-delà du fait que t’as l’air ben trop sexy – et on sait toutes les deux que c’est ce que tu aimes tant de ta tenue ce matin – et donc pas convenable pour un lieu d’éducation, la vérité c’est que j’ai peur, moi, du jugement à mon égard. J’veux pas être la mère dont on va penser qu’elle laisse sa fille faire n’importe quoi. J’veux pas être jugée comme si je ne t’enseignais pas les bonnes valeurs. J’veux pas avoir l’air de celle qui voit pas que sa p’tite fille qui a rien que 10 ans est victime d’hypersexualisation. Et parce que t’es wise en maudit, tu t’en rends compte pis ça te choque que c’est pas tant ton habillement que j’ai peur qu’on condamne, mais davantage mes compétences de mère.
Ça fait qu’à matin, j’ai gagné la partie, pis toi t’es partie en beau joualvert pis j’te comprends. Entre mes peurs légitimes pis mon égo de mère parfaite, ton adolescence qui fait juste commencer et les souvenirs de la mienne, je sens qu’on n’est franchement pas sorties du bois.
Me semble qu’habillées en bûcheronnes, on serait mieux parées pour ça.
LA COLLABORATRICE DANS L’OMBRE |
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