« Ah, t’es aux études? »
T’aimerais te dire que cette question est polie, qu’elle vise seulement à combler le silence, mais tu sens très bien tous les jugements qui sont cachés derrière. T’es une mère de trois bébés en bas âge, tu ne devrais pas être en plus à l’université. Une maman, c’est supposé s’occuper de ses enfants et si elle est obligée de les envoyer à la garderie – horreur suprême – c’est pour aller travailler, pas pour aller à l’école. Parce que tu dois faire des enfants seulement à la fin de tes études, t’sais Pas avant.
Sauf que toi, t’avais envie de faire les deux en même temps. Ou peut-être que tu ne l’as pas choisi et que les choses se sont précipitées. Ou peut-être que tu fais un retour à l’école. Mais au fond, le résultat est le même : il faut que tu réussisses à étudier tout en donnant le biberon à bébé 3, en empêchant bébé 2 d’escalader la table à langer et en complimentant les dessins terrifiants de ta terrible three.
T’installes tes affaires sur la table. Dans le salon, Pat’ Patrouille joue en boucle et la plus jeune fait une sieste. T’es certaine d’avoir au moins une heure de tranquillité pour lire quarante pages du livre de deux cents pages que tu dois analyser. T’es optimiste. T’as à peine lu trois mots que ça hurle à côté de toi. Le petit frère a touché à la télécommande, la télé affiche maintenant une émission de cuisine. Tu remets la Patmachin, retournes à ton livre. Veux du lait. Tu acquiesces aux demandes des deux plus-vieux–pas-si-vieux qui décident ensuite d’aller plutôt jouer dans la salle de jeux. OK, peut-être que t’auras juste le temps de lire vingt pages finalement. C’est pas grave, c’est mieux que rien. Tu te réinstalles. Nouveau hurlement. T’entends une cascade de blocs Lego dans la pièce d’à côté. Well, tu ramasseras plus tard. Sauf qu’il n’y a pas de plus tard. La plus petite vient de se réveiller, une heure est déjà passée et t’as à peine lu le prologue.
Tu te réessayes en soirée. Dix-neuf heures, c’est une heure raisonnable pour étudier, non? Pas pour ta princesse qui décide que c’est le bon soir pour un je-veux-un-colleux-de-l’eau-j’ai-soudainement-mal-au-ventre-qu’est-ce-que-tu-fais-y’a-un-fantôme-sous-mon-lit.
Quand t’as enfin chassé le monstre, il est vingt-deux heures, t’es épuisée et t’as l’impression d’avoir avancé toute la journée à contre-courant. Tu te couches en te disant que tu termineras ça demain avant de te rappeler que ton deuxième lance toujours sa doudou par terre et qu’il doit présentement être en petite boule, complètement congelé. Soupirant, tu vas le recacher avec amour en regardant la petite dernière d’un air de finalement-je-pourrais-en-avoir-un-quatrième.
Y’a peut-être des gens qui t’ont dit que t’étais folle de faire tes études en même temps que d’avoir des enfants. Que tu ne devrais pas faire ça. Que tu n’y parviendras pas. Que t’aurais juste dû avoir tes adorables petits monstres plus tard ou ne jamais retourner à l’école. Peut-être que ceux avec qui t’étudies, t’ont déjà lancé qu’eux, ils sont occupés comme si toi tu ne foutais rien le reste de ta semaine. Tu t’es peut-être remise en question, en te demandant si ça valait la peine. Parce qu’être mère aux études, c’est devoir jongler avec tes horaires et ceux de papa à la semaine longue, détester les travaux d’équipe qui t’obligent à une gymnastique intellectuelle intense pour trouver un moment de rencontre et faire du Tetris avec tes travaux et tes examens pour trouver le temps d’étudier.
Sauf que tu vas réussir, t’es déterminée. Ça ne concerne pas les autres, ça ne concerne que toi.
Lâche pas. Toi et moi, on sait que ce n’est pas facile. Mais ton diplôme, tu vas l’avoir et tu vas l’exposer fièrement sur ton mur en faisant taire tous ceux qui pensaient que tu n’y arriverais pas.
Pis t’auras de beaux enfants à coller en prime à qui tu rappelleras qu’à cause d’eux, un bon matin, t’as trouvé une licorne rose dans ton sac en plein cours à l’auditorium.
ALEXANDRA RIVARD |
Wow pile à temps pour m’encourager à continuer. J’en pouvais plus! Pas facile quand on ne voit pas le boit du tunnel. Merciiii
Aaaaah, tu m’as fait rire. Je vis la même chose et mes collègues de classe (qui ont 18ans) ont beaucoup de difficultés à trouver du temps pour les travaux d’équipe, qui, de toute façon, seront mieux fait sans eux.
Merci pour ton article. Tu m’as fait rire! Ça me rassure de voir que je ne suis pas si seule avec 2 enfants et demi, une job 40 heures semaine et un BAC de biochimie en cours! On est pas folle, on est exceptionnelle! Lâches surtout pas! Et toutes les autres dans cette situation, lâchez pas non plus. On mérite ce diplôme et on va l’avoir!
Sérieusement, ça fait du bien de lire ça aujourd’hui…
Les foutus travaux d’équipe, les gens qui sont « tellement fatigués », ont « besoin d’une petite pause » ou ne sont « pas disponible » (mais ne veulent tout simplement pas se déplacer » et manquent de l’école ou se trouvent 40 millions d’excuses pour s’absenter/ne pas être disponible.
Je me sens moins seule