Mon p’tit papa,
Ce n’est qu’à l’aube de la deuxième année suivant l’annonce de ton cancer que je trouve les mots pour décrire ce qui m’habite depuis ce fameux jour-là.
Au début je criais après la vie, je lui en voulais à grands coups de fuck-you-le-cancer pis toute, désespérée devant un tel diagnostic. Un diagnostic qui ne laisse aucune chance pour se reprendre, pour se dire plus souvent qu’on s’aime, pour se pardonner, pour réapprendre à se connaître.
Parce que c’était encore tout nouveau que tu reviennes te faire une place dans nos vies après quelques années tumultueuses. C’était tout nouveau qu’on veuille la saisir cette deuxième chance-là, t’sais.
Aujourd’hui je suis capable de dire que je suis reconnaissante de tout ce qui est arrivé.
Oui, reconnaissante.
Parce que des fois on est mal faits en tant qu’humains, papa. Des fois, il faut absolument se faire pousser au pied du mur pour changer les choses. Des fois, il faut sentir qu’on se perd pour tenter de se retenir, pour ne pas s’échapper.
Dans le fond, c’est pour ça que je suis reconnaissante aujourd’hui. Parce que l’effet de ton diagnostic sur notre petite famille a été un peu comme une petite bulle d’amour nous couvrant tous. Une fois qu’on s’est relevés, on s’est tricotés un peu plus serré, on s’est redécouverts plus forts, plus résilients.
Il n’y a pas de livre qui t’apprend comment gérer ton petit cœur qui semble vouloir éclater quand tu te fais dire par un médecin que ton papa n’a qu’un an, ou deux tout au mieux, à vivre. Celui qui t’a montré à faire du vélo, celui qui te portait sur ses épaules afin que tu puisses voir le monde comme une grande, celui qui te jouait de la guitare pendant l’heure du bain.
Nous, on a eu toute la chance du monde d’être immédiatement entourés par nos familles et supportés par du monde qu’on ne connaissait même pas tant que ça. Dans mon livre à moi, c’est gens-là sont de vrais p’tits anges gardiens. On a appris à croire en une force plus grande que nous, et on a découvert que cette force-là, elle venait de notre for intérieur. Ça donne tout un autre sens à la vie, passer proche d’en perdre une.
À l’aube de la date marquant la deuxième année de ton diagnostic, mon p’tit papa, je pense à tout ce que nous avons vécu, tout ce que nous avons surmonté, aux statistiques auxquelles tu as pu faire un pied-de-nez et je ne peux m’empêcher de sourire en étant reconnaissante envers la vie. Je sais que ça fait de moi une meilleure maman, une meilleure personne aujourd’hui. Et surtout que tes petites-filles ont eu la chance de te connaître et de t’aimer. T’aimer d’amour à part de ça.
On est chanceux, mais on le sait et on l’apprécie. Ce n’est pas donné à tout le monde et c’est une des valeurs fondamentales que je veux enseigner à mes filles, de vivre avec intensité et gratitude envers chaque jour donné. De non seulement savoir qu’on ne contrôle rien, mais d’en profiter au maximum et de toujours se dire qu’on s’aime, même quand on est fâché, t’sais.
Alors c’est ça mon p’tit papa, je suis incroyablement heureuse d’avoir pu trouver du bon dans cette situation autrement douloureuse.
Je t’arracherais à toute ta douleur si je le pouvais. Mais je ne changerais pas la relation qu’on a aujourd’hui grâce à elle.
Je t’aime, pis, j’suis fière de toi.
VANESSA LAGACÉ |
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