La broue dans le toupet à courir comme une maudite folle entre ta job, la garderie pis l’école, à gérer les devoirs en même temps que le souper, les bains en même temps que le lavage qui arrête pas de s’empiler et tout le reste que j’ai pas besoin de te nommer… Tu sais de quoi je parle, c’était ta vie.
Pis y’a quelques mois, t’es tombée sans emploi.
Que tu sois partie de toi-même ou que ça soit arrivé contre ta volonté, ta première semaine, tu l’as passée à te remettre de tes émotions, en envoyant tes enfants au CPE et à l’école comme si de rien n’était. L’école, t’avais pas le choix, pis la garderie ben fallait pas que tu perdes ta place. Tu venais de vivre un choc professionnel, mais t’en croyais encore moins tes yeux de te retrouver toute seule dans ta maison en plein jour.
Habituée à gérer ta vie avec efficacité, t’as refait ton CV et tu as commencé à l’envoyer, mais en même temps t’espérais que ça marche pas trop vite pour que tu puisses en profiter et prendre du temps pour toi. Pour une fois.
De toute façon, au début, la vérité c’est que tu t’imaginais pas capable de te rembarquer dans un nouveau défi professionnel qui exigerait ton 200%. T’avais la langue à terre après des années de don de toi, quasiment 24 heures sur 24 entre ta job pis ta famille. Ta batterie, qui était dans le rouge depuis longtemps, avait grand besoin d’être mise sur la charge.
Ça fait que tout en envoyant des applications sans enthousiasme, t’as commencé à profiter de ton congé pour te refaire une santé mentale et réaliser tes rêves impossibles, comme attaquer le classement de ta paperasse accumulée depuis dix ans, laver tes planchers à la grandeur sans être dérangée, voir le fond de ton panier à lavage et enfin repeinturer tes armoires de cuisine.
Emportée par ton élan, t’as aussi décidé que pendant ta recherche d’emploi, tes enfants viendraient dîner chez vous, eux qui avaient toujours dîné à l’école au milieu de leur cent-cinquante semblables pis de leurs boîtes à lunch. Le premier midi, tu étais presque émue en leur servant leur grilled cheese, te rappelant ta propre enfance au cours de laquelle ta mère était à la maison.
Petit à petit, t’as ralenti ton beat.
Ton plus jeune est toujours le premier parti de la garderie et vous allez attendre les plus vieux à la sortie de l’école ensemble, chose qui aurait été impensable avant. Quand vous rentrez tous à la maison, il est à peine 15 h 30 et tu leur sers les muffins que t’as cuisinés dans un de tes moments de zénitude. Pour la première fois, les devoirs ne sont pas faits pendant que tu prépares le souper. Tu as le temps de t’asseoir et de transformer cette ancienne corvée en temps de qualité. Vous soupez de bonne heure et vous avez même le temps d’aller au parc avant les bains.
Entre deux visites sur le site d’Emploi-Québec, malgré ton incertitude professionnelle, la vie rêvée de mère au foyer qui semblait donc plus enviable que la tienne, tu y goûtes un peu, même que tu la savoures, surtout que tes enfants ne sont pas avec toi dans la journée.
Mais tu sais que ça va pas durer. Financièrement, va ben falloir que tu recommences à travailler, parce que tu vois la fin de ton chômage arriver comme une lame de guillotine pis tu commences à filer pas mal moins fine bouche dans les possibilités d’emplois qui s’offrent à toi.
Certains jours, tu luttes contre le découragement face à ton avenir et tu te dis que la prochaine entrevue, faudrait bien que ça soit la bonne pour que tu reprennes ta vraie vie.
Ta maison est propre, t’as fait le plein d’énergie, t’es prête à le redonner, ton 200%.
Je te souhaite de trouver un emploi à ton goût, la mère.
En attendant, laisse pas l’inquiétude t’empêcher d’apprécier le temps que tu as, pour une fois.
SOPHIE PERRON |
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