Ben oui, maintenant que tes cinquante semaines de bonheur sont terminées, t’as pu ben ben le choix. Il faut ben retourner travailler pis à moins d’avoir des parents en pleine forme pourvus d’une gentillesse extraordinaire et prêts à mettre leur retraite sur la glace pour prendre soin de ta progéniture à temps plein, t’as pas trop le choix de te tourner vers la garderie.
Pis je vois ta culpabilité à tous les matins qui suivent l’ultime retour au boulot. Je le vois dans tes yeux, cette impression d’abandonner la chair de ta chair à une parfaite inconnue. Ça te voile le regard, ça te serre le coeur dans un étau et ça pèse sur tes épaules comme une tonne de briques. T’aurais donc voulu rester à la maison encore plus longtemps avec elle, mais c’est juste pas possible.
Écoute fille, je vais être franche avec toi, moi je suis de l’autre côté. Je suis celle qui restera avec la chair de ta chair pendant huit heures aujourd’hui et j’aimerais te dire de respirer.
Je sais que c’est pas facile, que ça te fend le coeur de me le remettre, surtout quand il hurle sa vie et qu’il s’accroche à toi comme un noyé à une bouée de sauvetage. Je sais que tu ravales tes larmes bravement pour ne pas lui montrer que t’es aussi inquiète que lui pis qu’une fois dans ton char, tu ouvres les écluses et tu brailles toutes les larmes de ton corps. Je te rassure, je suis passée par là. Mais je te le dis, ça va bien aller.
Ton p’tit aujourd’hui, il va passer une belle journée. Pendant que toi tu vas te morfondre parce que tu imagines toutes les catastrophes possibles pis la détresse dans son p’tit coeur, lui, il va découvrir un nouveau monde, des nouvelles personnes, une nouvelle routine et il va s’adapter. J’te dis pas que ça va se faire en deux jours, ni que ça va être facile. Des fois c’est long, des fois non. ll va certainement pleurer, il va être fatigué, il va attraper un paquet de microbes pis ça va même arriver qu’il se fasse mal. Mais tout ça, il le ferait aussi avec toi t’sais.
Fille, dans vie, tu dois la gagner, ta vie. C’est plus comme il y a quarante ans quand les femmes pouvaient rester au foyer pour élever leurs marmots. Le coût de la vie est ben plus élevé aujourd’hui. Pis on a évolué aussi, pis on a ben le droit de vouloir une carrière. On veut s’accomplir ailleurs que dans nos chaudrons, en tant que femme aussi, pis c’est tout à fait normal. Y’a personne qui va te juger parce que tu travailles à temps plein au même titre que personne ne devrait le faire si tu restes chez vous.
Pis au-delà de ça, des fois, t’as juste besoin de prendre une journée de congé pour toi, pis ça aussi c’est correct. Comme on dit, maman heureuse, bébé heureux. T’sais des fois, t’es ben mieux de le laisser à la garderie pour une couple d’heures pour aller faire deux-trois trucs que de pogner les nerfs entre deux allées d’épicerie.
Il existe un dégât d’articles pis d’études pour te faire sentir coupable, pour te dire que la garderie c’est bruyant, c’est épuisant pour les enfants, c’est rempli de microbes pis que les enfants sont ben mieux avec leurs parents. Sais-tu quoi? Quelque part, c’est probablement vrai. Mais à moins d’y envoyer ton enfant avec la gastro, quarante de fièvre ou cinquante heures par semaine cinquante-deux semaines par année quand tu pourrais faire autrement, tu es normale, toi pis ton besoin de gagner ta vie pour payer les factures, de réaliser tes rêves ou d’avoir la carrière qui fait de toi la femme et la mère que t’es. Pis ton enfant va s’en remettre.
Pis entre-temps, il va apprendre à vivre en société, il va se faire des amis, il va se préparer pour l’école, il va prendre l’air et il va s’habituer à sortir de tes bobettes.
Pis ça, ça va lui servir pas mal plus que tu penses.
Ça fait que demain matin, pars travailler en paix fille.
MYRIAM GÉLINAS |
Ma grand-mère qui a élevé ces 7 enfants à la maison m’a toujours dit, pour me déculpabiliser j’imagine, que de nos jours, je ne pourrais pas rester à la maison pour élever mes garçons. Merci Mami! Ca m’a toujours rassuré sur mon choix. xx