ourson route départ

La puberté qui fait mal

ourson route départ

Ça y est. Tu l’as reçu, ton coup de masse dans le front. Viens pas me dire que tu l’avais pas vu venir, on le sait toutes les deux que tu faisais juste semblant de regarder ailleurs. Tu te disais que si tu n’y pensais pas, ça n’arriverait jamais. Mais non. Ce qui devait arriver, arriva. Pis là t’es pognée pour faire face à la musique. Mais toi et moi on sait aussi une autre affaire. C’est au déversement d’émotions en toi auquel tu dois réellement faire face. Et tu as peur. Car ton enfant vient à cet instant précis de sa vie – et de la tienne – d’entrer dans la puberté. T’sais, ce mot qu’on n’ose pas prononcer, de peur que ça arrive trop vite. Ben c’est ça qui vient de te tomber dessus.

Ce matin, tu as ouvert la porte de la salle de bain, comme à l’habitude. Chez-toi, il est d’ailleurs très rare que quelqu’un respecte ta propre intimité dans cette pièce de la maison. Mais cet acte routinier ne s’est pas déroulé comme à tous les autres matins de ta vie. Ce matin, ton fils t’a hurlé de fermer la porte. Parce qu’il était soudainement outré que tu le vois tout nu, toi, qui pourtant lui frotte les fesses dans le bain depuis si longtemps. Habituellement, te faire crier dessus par tes enfants te met hors de toi. Mais pas aujourd’hui. Tu es trop sonnée pour répondre quoi que ce soit. Parce qu’aujourd’hui, tu le sais que tu viens de fermer un chapitre de ta vie. Pis t’étais pas prête. Pas prête à dire au revoir à l’enfance de ton mini. Pas prête à le voir devenir quelqu’un que tu ne connais pas encore. Surtout pas prête à avoir autant de peine.

La puberté, c’est pas facile. C’est une terrible étape dans une vie. Tu te rappelles bien la tienne et c’est presqu’un traumatisme. Mais tu ne te doutais pas que ça pouvait aussi être rough pour la maman. Parce que la puberté, c’est toute une série de deuils que t’as à faire, mais ben ben rapidement. Pis souvent, tu vas résister.

Voir ton enfant qui va se couvrir lorsque tu vas arriver et entrevoir les poils qui lui poussent sur des régions jusque là lisses et imberbes, ça va te gêner. Presqu’autant que lui. Mais ça va surtout te faire prendre conscience que ce n’est plus un enfant. Pis ça va te faire mal quand tu vas repenser à lui, à trois ans, courant tout nu dans la cuisine avec ses bobettes sur la tête, riant comme un petit fou.

Tu le sais que ces petits instants de folie ne se reproduiront plus. Et ça, ça va te nouer l’estomac.

Te rendre compte que ton enfant sent du dessous-de-bras lorsqu’il rentre de jouer dehors, ça va t’écœurer parce que ça pue. Mais ça va surtout t’écœurer parce que tu vas devoir dire adieu à la bonne odeur de ton petit, t’sais, cette odeur si particulière dont tu prends des grands respires lorsque tu te colles le nez dans son cou. Ton enfant va sentir l’antisudorifique. Et même si ça sent ben bon, tu vas regretter le temps où il te laissait sentir ses cheveux quand tu venais de les laver avec du shampoing de bébé.

Parce qu’il ne te laisse plus toucher à ses cheveux non plus. Et ça va te manquer.

Pis entendre ton enfant te dire de te tasser lorsque tu essaies de le coller sur le divan, ça va te fendre le cœur en mille. Ton enfant, si fusionnel avec toi depuis tant d’années, va venir de prendre ses distances. Une distance que toi, tu n’es pas prête à assumer. Cet enfant que tu as tant bercé, cajolé et embrassé va venir de te dire qu’il a besoin de plus d’espace pour grandir. Et tu vas devoir le lui laisser. Même si tu ne sais pas comment faire. Parce que tu te sens soudée à lui.

Tu vas devoir apprendre à l’aimer d’un peu plus loin. Pis ça, ça fesse.

Voir ton enfant arrêter de parler quand tu entres dans une pièce, ça va t’énerver. Pas parce qu’il manque de politesse, non. Parce que tu le sais bien, dans ton cœur de maman, qu’il te cache des choses. Qu’il a laissé pousser son jardin secret. Pis que des fois, il invite ses amis dedans, mais pas toi. Tu vas te sentir tassée, mise de côté. Tu vas avoir l’impression de perdre ta place de confidente, toi, à qui ton enfant racontait toutes ses misères depuis qu’il avait appris à parler.

Tu vas devoir accepter que ses secrets soient écoutés par les oreilles de quelqu’un d’autre. Et ça, ça te donne envie de pleurer.

La puberté, tu la détestes. Mais tu le savais qu’en mettant un enfant au monde, il grandirait.

Tu espérais qu’il grandisse en santé, heureux et en n’ayant pas peur de l’avenir. Et tu as réussi. Ton enfant apprend tranquillement à s’épanouir, à développer ses talents et son potentiel. Et c’est grâce à toi, qui a été là pour lui, tout le temps. Et tu sais quoi? Il a encore besoin de toi, même s’il ne te le dit pas.

Tu l’aimes encore autant. Il t’aime encore autant. La vie change. Mais pas l’amour. Être maman, c’est pour la vie. Dans toutes ses étapes.

Audrey Roy
AUDREY ROY
Crédit : rangizzz / 123RF Stock Photo

Audrey Roy

Super-maman de trois enfants dans la trentaine avancée, directrice en chef de ma famille reconstituée (presque) parfaite, ma vie est une source inépuisable de délires familiaux à écrire. Étant une ex-abonnée de l'organisation extrême, le petit dernier m'aura appris que le lâcher-prise est une valeur sûre pour survivre à mon quotidien. Fière mère indigne, écrire est pour moi un véritable plaisir coupable. Au plaisir de vous faire sourire (et de vous faire sentir moins seules dans vos tourments).

Plus d'articles

Post navigation

3 Comments

  • Ha ok. Je suis mitigée. Je ne ressens pas ça. Voir ma fille prendre des distances pour avoir ses p’tits secrets intimes me fait sourire. Je me revoit à son âge. Ce n’est pas menaçant pour moi. Son intimité dans la salle de bain me paraît très légitime. J’attends la mienne depuis 13 ans! Nous restons très proches, mais elle se réfère à d’autres personnes et c’est très bien. Il faut dire que je ne suis pas du type nostalgique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *