À toi, mon grand garçon,
Je sais ce qui se passe.
Je connais le pouvoir des mots.
Je sais qu’ils peuvent prendre la forme d’un couteau prêt à te taillader la peau jusqu’aux os. Je sais que des lettres alignées dans le bon sens peuvent arriver à mutiler ton cœur d’enfant et te donner envie de te terrer dans un trou du haut de tes dix ans. Des mots assez forts pour te pousser dans un précipice de désespoir. Le genre de précipice dans lequel un garçon de ton âge n’a clairement rien à faire.
Je sais que tu te sens pris au piège. Je sais que tu voudrais rester à la maison jour et nuit et que le simple fait de penser devoir remettre le couvert demain matin te donne envie de disparaître sous les draps quand le cadran sonne.
Je sais à quel point tu as peur. Je sais que ton cœur bat la chamade toutes les fois que tu tournes le coin d’un corridor. Toutes les fois que ton regard croise le leur au moment où tu ne t’y attendais pas.
Je sais à quel point ça fait mal. Je sais que tu aimerais te protéger. Revêtir l’armure des héros de ton enfance et triompher sur le mal.
Je sais à quel point tu te sens seul. Que mes encouragement, mon soutien et celui de tous les gens qui t’aiment ne suffisent pas quand tu te retrouves seul devant eux.
Maintenant tu sais que la vie n’est pas le conte de fées que j’avais tricoté pour toi.
Je pensais sincèrement qu’il n’y avait rien de pire qu’être la victime du bourreau. Finalement, j’ai trouvé son égal, en être la mère. Être la mère de ce petit bout d’être qui compte plus que ma propre personne à mes yeux et le voir revenir en larmes, détruit par une série de lettres savamment alignées dans le but de le détruire. Juste pour le plaisir de faire du mal. Juste pour le plaisir de se savoir plus fort. Juste pour le plaisir de conquérir l’autre en le rebaissant dans le quatrième sous-sol de l’école.
Mais pire. Savoir que peu importe mes gestes et mes paroles, la seule véritable arme qui permettra à ce film d’horreur de prendre fin, c’est le temps. Le temps de grandir. Le temps de devenir plus fort. Que toutes les plaintes et les rencontres de parents pourront éteindre le feu mais seront aussi susceptibles d’en attiser les flammes et de rendre les lendemains de la chair de ta chair plus difficiles qu’ils ne l’étaient déjà.
L’impuissance devant les larmes, l’impuissance devant la peine, l’impuissance devant le désespoir. Je ne supporte pas de te voir souffrir.
Je n’ai pas toujours été grande et forte. J’ai connu ta douleur.
Toi et moi, aujourd’hui, ne nous contenterons pas de lutter contre l’intimidation.
Nous allons nous battre pour que tu deviennes si grand et si fort que tu fracasseras les mots qui te font mal à grands coups de confiance et d’estime.
Je t’aime mon amour et tu es de loin la plus belle personne que je ne connaîtrai jamais.
Ne laisse jamais rien ni personne en douter.
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