L’avez-vous vu filer à toute allure entre le moment où je me suis réveillée et celui, après le dodo des enfants, où je me suis rendu compte qu’il était déjà ben que trop tard ? Depuis ce matin qu’il me glisse entre les doigts, dès le réveil, quand j’ai entamé ma course folle pour préparer les ploucs.
Faire déjeuner les enfants, les débarbouiller, les faire laver leurs dents, enlever leurs pyjamas, mettre le linge de jour, préparer leur lunch, insérer à un moment le boire du p’tit dernier, tout ça en quarante-cinq minutes top chrono. Une chance que j’ai un partner d’enfer qui m’entraîne dans le tango matinal, menant la danse comme lui seul sait le faire.
Mais là, pas le temps de niaiser, il fait encore beau et on va à l’école à pied. Fait que envoye les sandales pis les calottes, mets-moi c’te sac à dos-là sur le dos, donne-moi ta boîte à lunch, on part ! Oups, faut je mette le p’tit dans l’écharpe, attendez !! Ma foi, sont déjà rendus sur le bord de la rue.
Nos chemins se séparent, papa part à droite avec numéro deux pour la garderie, je continue avec numéro un vers l’école, numéro trois s’étant endormi – Dieu merci !! – dans l’écharpe. Dans quelques minutes la première mission de la journée sera terminée. Good, les enfants – sauf #3, qui dort toujours dans l’écharpe – ont tous été livrés à bon port. Le deuxième round peut commencer.
Papa retourne à la maison chercher son auto, moi je lui donne un p’tit bec au coin de la rue quand il repasse pis je file à la maison. Vide le lave-vaisselle, range le déjeuner. Part une brassée. Oups, j’ai oublié de sortir le p’tit de l’écharpe ! Ben non, c’est une diversion pour te passer sous les yeux le fait que je ne plie pas le linge qui était encore dans la sécheuse. Donne le boire au bébé, fais les lits, ramasse les toutous, change le p’tit, change le rouleau de papier de toilette, en profite pour un arrêt-pipi tant qu’à être dans le coin, essaie de passer la gratte dans les vêtements qui traînent sur le plancher. Tic-Tac, ça continue de de filer, faut mettre le linge sur la corde et partir le deuxième lavage de la matinée, trois gars et des parents sportifs, ça te tache du textile mon ami, je t’en passe un papier.! #3 est refatigué. Boire, essaie de le mettre dans son lit. Marche pas. Rendort. Remarche pas. L’emmène sur le divan, il s’endort dans mes bras. OK, pas le choix d’en profiter pour prendre un break.
Pendant ce temps-là, iPad en main, je cherche des recettes pour la semaine prochaine tout en écoutant d’une oreille distraite Canal Vie. Une obscure vedette has-been tente de revenir sur l’avant-scène. Il commence à se faire tard, pas encore dîné. Bien sûr, c’est à ce moment que bébé décide de récupérer le sommeil manqué des deux derniers jours, mais j’en profite, il sent si bon et ces moments sont si précieux. Surtout quand c’est ton dernier, t’as envie de sniffer chacun de ces moments collés-collés.
T’as compris le topo, j’imagine, pas besoin de te faire un dessin de mon après-midi. Pis le soir venu, y’a le souper, les bains, le dodo. Ramasser le souper, les vêtements de la journée, pis le balai auquel il faudrait bien penser à un moment donné.
Une fois que tout est fait, passé huit heures et demie, il reste quatre-vingt-dix minutes pour avoir une vie à moi, une vie de couple, entretenir des amitiés. Ça sonne comme une corvée, mais je suis tellement fatiguée que je tombe devant l’ordi ou la télé, enfilant une ou deux – ou vingt – tâches pendant les publicités. Quand vient le temps de me coucher, mon corps est épuisé.
C’est à ce moment que mon hamster décide de se réveiller pis de me spinner sa roulette à refaire le monde dans ma tête. À côté de quoi j’ai passé tout droit aujourd’hui ? Quel moment important j’ai manqué parce que j’étais trop obsédée à rentrer dans le temps que je me donnais ?
Comme si plus j’essayais de capturer le temps qui s’échappe, plus il s’écoulait vite dans le sablier. Insaisissable, tellement abstrait comme concept que je vais me réveiller un jour et mes enfants seront partis de la maison.
Le carpe diem devrait être une option si je veux pas passer à côté de ma vie.
Faudrait peut-être arrêter d’essayer de prendre en main un destin dont je ne prends même pas le temps de profiter ?
MICHÈLE TOUSIGNANT |
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