La maternité vient avec son lot de désagréments et de questionnements existentiels. Mais t’en connais peu qui puissent battre celui du perpétuel combat intérieur entre le bien, le bon, le ce-que-doit et son opposé ce-que-ça-te-dit-dans-l’fond-à-toi-la-mère.
Les situations applicables à ce constat pleuvent. Mais je vais te faire une confidence. Pour moi, la fille qui a été baptisée dans une piscine publique d’eau extra-chlorée dès mon plus jeune âge, y ayant été baignée annuellement, quatre saisons sur quatre, durant plus de seize ans, passant par tous les grades jusqu’au Sauvetage National, le récurrent supplice de mon combat intérieur de mère, c’est to swim or not to swim? Autrement dit, craquer sous la pression sociale et le gros bon sens en donnant à ma progéniture l’opportunité d’apprendre à nager dès le berceau (ce que doit) ou suivre ma grande lassitude intérieure et renoncer à suivre la vague de la piscine-Ha! (ce que ça me dit, dans l’fond).
Qu’on s’entende bien, je veux moi aussi ce qu’il y a de mieux pour mes enfants. Mais sérieusement. Sommes-nous au moins à même de nous demander s’il est humain, voire minimalement légal, de faire vivre à un parent le supplice le désagrément du cours de piscine et ce, dès le nouveau réglementaire et désormais quatre mois préconisé par la Croix Rouge, rien de moins que trois sessions par année ? On jase là ! Et puisque tu ne donnes jamais à l’un ce que tu n’as pas l’intention de donner à l’autre, tu te farcis ça autant de fois que tu as d’enfants, plus d’une décennie durant ? Vraiment ?
J’te pose la question parce que moi, j’me la pose pas mal à chaque trimestre, lorsqu’une vague soudaine de culpabilité m’envahit pis que mon calendrier interne me dicte de taper « cours de natation pour enfants » dans Google, à la recherche du meilleur lieu, de la meilleure plage horaire bref, du meilleur set-up familial pour diminuer le degré de supplice que je m’apprête irrémédiablement à m’imposer. Pis c’est là que ça me frappe à chaque fois.
L’idée de courir après mes marmots dans une salle de déshabillage archi-bondée, surchauffée et puante d’humidité m’exaspère. L’idée de me faire péter une dent, de saigner du nez ou d’hériter d’un œil au beurre noir, conséquence des galipettes un peu trop intenses de ma progéniture, ou de celles du voisin, qui se débat dans le mètre cube d’eau qui lui reste d’espace dans la piscine, ça m’horripile. Mais ce qui m’achève, par-dessus tout, c’est clairement avant même d’avoir mis le gros orteil dans l’eau chlorée au premier cours : l’inscription. C’est un supplice en soi. Des options ultra-restreintes de lieux, des horaires supra-matinaux ou, pire, en pleine heure de dîner/sieste ou du cours de soccer de l’autre, t’obligeant à choisir entre deux options merdiques, pour obtenir le moins pire des chaos pour tes fins de semaine.
Mais pire que tout ça, on doit être une osti de méchante gang en quête du même espoir de cohésion entre « ce que doit » et « ce que ça te dit », parce que des places pour une plage de cours de natation pour un groupe du samedi à 10h15, c’est pas mêlant, c’est aussi convoité que le serait un show unique de Michael Jackson avec une première partie des Beatles, ressuscités. Calvaire.
Chaque seconde de réaction compte. Chaque trimestre, je me mets une alerte cellulaire, un rappel sur ordinateur, deux cadrans, une note au calendrier, un post-it su’l front pis une ficelle su’l poignet. Y’a rien à faire. Je me ramasse toujours à tenter désespérément de mettre la main sur une place le samedi à 10h15 en me connectant sur Internet, la sueur dans l’dos, le jour J de l’inscription à 8h35 parce que j’ai encore trouvé l’moyen de passer tout droit de 5 minutes pis j’me ramasse avec l’épouvantable évidence trimestrielle. Une plage horaire de marde, le dimanche à 12h45. Avec, pour rajouter au supplice, un deuxième enfant impossible à caser dans un deuxième cours avec un délai raisonnable entre les deux. Misère.
Ça fait que cette année, j’ai résolu mon problème existentiel. J’ai refilé l’ensemble de l’œuvre à la belle-mère. Du temps de qualité, associé à un condensé de sport extrême de l’inscription au déshabillage, puissance quatre saisons, ça devrait la garder en forme quelque chose de pas pire. Et pis moi, ça m’assure l’équilibre de mon combat intérieur. Du moins. Le temps d’un tour de calendrier !
ANDRÉANNE GIGNAC
Laisser un commentaire