Ma belle amie à qui je ne sais pas quoi dire,
On se connaît depuis une quinzaine d’années. On n’a jamais été très proches mais nos parcours de vie ont fait en sorte qu’on a toujours gardé contact. On s’est félicitées de nos achats de maison, de nos couples et de nos emplois. Puis les enfants sont venus et on s’est suivies un peu plus, osant même se voir une fois ou deux pour prendre un café ou une sortie de course à pied. J’ai un secret à te dire. T’as pas mal toujours été un bel exemple pour moi, une fighter qui a réussit sa vie à grands coups d’efforts pis de sacrifices. Pour la dropout qui n’a toujours pas trouvé son projet de vie que je suis, c’est impressionnant. T’entretiens des amitiés et ton couple depuis une bonne dizaine d’années. T’es une marathonienne. Pis t’es une méchante bonne maman. Je n’ai jamais vu personne mener la barque comme tu la mènes.
Il y a quelques semaines, le diagnostic est tombé. Ton plus jeune a la leucémie. J’ai eu l’impression que je devais te dire quelque chose, mais je ne trouvais pas. J’aimerais tellement t’écrire des mots qui t’enlaceraient, des mots qui te serviraient d’épaule sur laquelle pleurer sans retenue, des mots punching bag pour défouler la colère qui t’habite, des mots psychologues pour que tu puisses confier les pensées que tu n’oses pas prononcer. Au lieu de cela, tout ce qui sort, c’est des formules préconçues, des maudites paroles vides de sens que je sais inutiles dès qu’elles sont prononcées.
Je fais juste t’imaginer, apprenant la nouvelle pis je vois l’onde de choc te toucher et te souffler. J’imagine comment tu dois te sentir, sachant que tu devras garder le cap pis le sourire pour ton gars, pour ta grande, pour ta famille. Tu sais ce qui t’attend. Tu sais que ça laissera certainement des cicatrices sur ton chemin de vie.
Y’a rien de pire que le combat d’un parent pour sauver la vie de son enfant. Mais en même temps, y’a rien de plus fort. Parce que c’est l’exemple le plus éloquent du don de soi, de la bonté et de la consécration. Des parents qui se battent, c’est des parents qui pourraient déplacer des montagnes avec leur petit doigt. Mais dans l’oubli et la détermination, j’espère que tu sauras chuchoter ta détresse à une oreille empathique quand tu en auras besoin. J’espère que tu sauras comprendre que c’est pas ta faute. Ni ce qui arrive, ni ce qui en découle. C’est la vie qui fait ça.
Je voudrais te dire que t’es courageuse, que t’es forte pis que tu vas mener ce combat-là d’une main de maître mais je ne crois pas que tu accepterais le compliment. Ce défi d’aider ton enfant à traverser la maladie, tu n’as pas choisi de le relever, c’est la vie qui l’a garroché devant toi. C’est la résilience qui va te mener. Ça pis le besoin fondamental de voir ton petit gars fêter sa première année, marcher et jouer avec sa grande sœur. Pis même si je n’ai jamais traversé cela, j’ai la profonde impression que tu vas t’oublier un peu, que ton couple aussi, va s’oublier. Pour maintenir l’unité et un semblant d’équilibre. J’ai l’impression que ton marathon, cette année, c’est pas sur le bitume que tu vas le courir, mais quelque part entre ta maison et le chevet de ton bébé.
Pis je veux que tu saches qu’on est là, dans les gradins pour te supporter. Et que mes espadrilles sont déjà lacés pour la course à relais.
MICHÈLE TOUSIGNANT |
Un texte qui me touche beaucoup… parce que moi aussi la vie m’a garroché cette épreuve ! C’est très difficile pour l’entourage puisque les mots ne suffisent plus malgré les bonnes intentions de tous ! Pour moi, c’est souvent un profond sentiment de frustration qui m’envahit. Pourquoi mon enfant ? Pourquoi mon Théo ? Je tente de trouver un sens et un équilibre dans tout ça ! Merci pour ce texte qui me fait réfléchir – et qui me fait du bien.