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Mon beau grand garçon, t’as juste cinq ans, t’as pas toutes tes dents et tu t’apprêtes à vivre ta deuxième rentrée cette année. Je doute bien souvent de mes qualités de maman mais quand tu fonces comme ça dans la vie, ça me fait bomber un peu le chest, faut que je te l’dise. Tu te trouves bien grand, bien bon et j’avoue que ça m’a pas mal prise de court quand t’as commencé à me faire de l’attitude. T’es là, à avancer dans la vie comme si elle était à toi, pis je me rends compte que t’es équipé pour entrer dans le vrai monde par la grand’ porte d’en avant.
Ça fait que quand je vais mettre les petits collants avec ton nom sur chaque crayon-crayola-à-mine-biseautée (pas ceux à la pointe large) que l’école a demandé pis je vais me rappeler que d’aller à l’école, c’est pour toi une façon d’apprendre à vivre en société. Je vais mettre ton nom sur chaque cossin de la liste interminable (on a vraiment besoin de tout ça en maternelle!?), en me disant que je te laisse un peu de ma présence, même si c’est plus moi que toi que ça rassure.
À travers les mots d’esprit que tu me sers, à travers les commentaires impertinents que tu me sors tout droit de la cour de récré, tu me démontres que c’est important pour toi d’apprendre à trouver ta place dans un groupe. Quand tu vas être papa à ton tour, je te confierai qu’au fond, ça me remplissait de fierté de te voir aller. Parce qu’à chaque fois que tu argumentes pour pas aller faire ta sieste ou parce que t’as teeeeeeellement besoin de garder la roche que tu viens de ramasser, je vois que tu es capable de te défendre. Ça me prouve que tu ne te laisses pas faire et que tu as assez de répartie pour te faire respecter. Je découvre que tu es capable de faire valoir ton point, d’organiser tes idées et de faire preuve d’empathie. Et c’est à l’école que tu vas continuer de développer ces aptitudes-là, en te faisant le défenseur de la veuve et de l’orphelin. J’espère ne pas avoir trop souvent à soigner les yeux au beurre noir que tu vas te ramasser en protégeant des petits frères sur le chemin de la maison, comme tu le fais déjà souvent au parc, en t’assurant que je te vois pas.
Même si ça me fait pousser un gros matou au fond de la gorge, je vais me péter les bretelles en titi quand tu vas entrer sans te retourner au service de garde ou quand tu vas être déçu de me voir arriver trop tôt après l’école. Ça me fend le cœur, me faire rejeter, mais je le sais que c’est pas vraiment à moi que tu dis ça. Moi qui avait tellement peur que mon bébé fusion ait de la misère à devenir autonome, j’aurai encore une fois la preuve que tu deviens un beau grand enfant, même si c’est fait à mon corps défendant.
Tu déploies tes ailes, pis ça, ben je dois quand même m’en attribuer un peu le mérite. À chaque fois que j’ai pilé sur mes propres peurs pour te montrer que personne va te mordre, à chaque fois que je suis allée me présenter à de nouvelles personnes parce que je voulais pas que tu sois pogné avec la même phobie des humains qu emoi, tu m’as fait grandir un peu, aussi. C’est donc confiante que tu continueras à t’épanouir , et un peu parce que ton père va me dire de lâcher prise, que je vais t’écouter et t’acheter un chandail avec un Pokémons dessus au lieu d’un beau polo. Parce que tu vas me dire que c’est pas le linge de skate qui est cool, à ton école à toi, mais les trucs de Pokémons. C’est un peu ça, aussi, favoriser le développement de ton autonomie : te laisser partir habillé d’un chandail que je trouve si laid, mais qui te plaît tant, à toi.
Parce que tu veux être astronaute/travailleur/policier/directeur , je vais me faire un point d’honneur de t’aider à faire tes devoirs et tes leçons, même si tu soupires et lèves les yeux au ciel. Mais ne sois pas surpris si je fais semblant d’avoir envie de pipi quand tu vas me poser des questions sur les divisions, c’est juste que je vais aller me cacher pour googler la réponse à ça, ou aux fractions. J’ai un honneur à sauver, faudrait pas t’avouer que je n’ai jamais su diviser. Juste pour voir la soif d’apprendre qui te guide, ça vaut la peine de mettre autant d’efforts pour te faire un lunch anti-allergie, anti-carie, anti-sugar-rush. Pourquoi les barres-tendres-bonnes-pour-la-santé sont jamais confectionnées dans des usines sans arachides ?
L’école, ça chamboule une vie de p’tit garçon. Celle de ses parents aussi. Si on se remettait déjà en question avant que tu y fasses ton entrée, sache que maintenant c’est encore pire. Et si on avait fait quelque chose de travers ? Si tu avais des problèmes ? Et si tu n’arrivais pas à t’intégrer ? Pour toi, entrer à l’école, ça sera encore une fois l’opportunité de baigner dans la nouveauté et t’aimes tellement ça.
Pour papa et maman, ça sera le moment de constater que même si on a souvent douté de nous-mêmes, on t’a donné les vitamines qui te fallait pour pousser droit.
MICHÈLE TOUSIGNANT
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