Crédit : soloway / 123RF Stock Photo
En tant que fille nord-américaine élevée à grand coup de Barbie slim version d’origine, tu subis de la pression et si tu veux t’assurer de remplir pleinement ton rôle de fille et d’être comme tout le monde, un jour l’autre, plus tôt que tard, tu te mets à te trouver grosse. C’est pas grand-chose t’sais, juste un petit bourrelet qui sort de tes bobettes roses, une toute petite masse flasque qui se fait aller sur tes abdos comme du Jell-O ou deux slices de gras de cuisses qui se touchent à peine. Rien de majeur t’sais. Juste ce qu’il faut pour t’entraîner dans le cycle infini du gras de ventre. Pour toujours.
Phase #1 : l’apitoiement
À la base, tu ne fais rien. Tu manges n’importe quoi, tu bouges pas. T’as pas le goût pis t’as pas le temps. Jusqu’au jour fatidique où tu montes sur la balance et qu’elle n’a clairement plus rien à de bon à t’apprendre. Tu pleures intérieurement en tripotant le pneu post-bébé qui a sournoisement remplacé tes abdos d’élite tout en remettant tes bonnes résolutions à demain pendant une période indéfinie qui varie de deux jours à plusieurs années dépendant de ton degré de démotivation à manger des carottes pis faire du vélo stationnaire.
Phase #2 : le grand saut
Finalement, au bout de tes larmes intérieures et de ta balance, tu décides de prendre tes bourrelets en main pour redevenir la fille slim et sexy de tes vingt ans et te v’là inscrite au gym d’à côté. Tu réalises que t’es pas plus en forme qu’un vieux trucker qui fume pis qui mange sa vie dans un casse-croûte à patates. Ça fait que tu te donnes à fond à grands coups de quatre séances de cardio hebdomadaires qui te mettent la langue à terre, un cours de danse aérobique qui te confirme que t’as pas le sens du rythme pis un cours de spinning qui te certifie que tu feras jamais de triathlons. En parallèle, t’as reviré le menu de la semaine de bord au grand dam de ton chum et de ta progéniture qui s’enlignent maintenant des plats beiges hypocaloriques plein de beaux légumes sans assaisonnement, t’as slaqué l’alcool pis tu manges pu de dessert. Bref, ta vie a l’air d’un camp d’entrainement et ta jauge de fun est dans le rouge.
Phase #3 : la pause bien méritée
Trois jours à deux mois plus tard, quand la balance commence un tant soit peu à pencher de ton bord, que t’es persuadée que t’es maintenant une grande sportive assoiffée de défis avec tes muscles pétrifiés par l’intensité de tes efforts et que tu fais un overdose de blancs d’œufs pis de jus vert, t’as un relâchement. Rien qu’un petit. Pour cause de maladie infantile, d’overtime au bureau, de grippe d’homme ou rien que parce que tu le mérites. Ce qui devait durer le temps d’un morceau de gâteau en sautant ton cour de hot-yoga s’étire. Pendant une couple de jours. Puis une couple de semaines.
Phase #4 : la tête dans le sable
Le piège vient de se refermer sur toi comme la misère s’abat sur le pauvre monde. Ta motivation a déguerpie à la vitesse grand v mais tu ne le sais pas encore puisque tu prêches toujours le après-tant-d’efforts-pourquoi-ne-pas-prendre-encore-une-p’tite-semaine-de-break-de-plus. Fille, on va se le dire, tu vis dans le déni.
Phase #5 : la rechute assumée
En moins de temps qu’il t’a fallu pour te goinfrer dans la crème glacée, les chips, les beignes et les deuxièmes portions en tout genre en écoutant des films en boucle en pyjama, les cinq petites livres que tu avais perdues à la sueur de ton front pendant tes trois mois d’entraînement intensif se sont rassis le derrière sur ta paroi abdominale avec la ferme intention de ne plus jamais la quitter. C’est à peu près là que tu te dis qu’on a juste une vie à vivre pis qu’il faut en profiter à fond en engouffrant une deuxième sandwiche à la crème glacée.
Phase 6 : la culpabilité
Cinq à dix livres plus tard, tu entres inévitablement dans une phase d’intense culpabilité malgré tes choix jadis assumés et tu te transformes momentanément et temporairement en joggeuse assoiffée de jus d’épinard et de yogourt grec 0%. Tu capotes moins que tu capotais sur ton tapis roulant et les résultats sont conséquemment moins probants mais tu te sens à nouveau saine et pure comme une fleur qui s’abreuve de la rosée du soir jusqu’à ce que la rosée se transforme en pluie torrentielle qui te contraint à prendre un break de course pendant cinq malheureux jours consécutifs. Jours pendant lesquels t’en profites pour faire une nouvelle pause bien méritée parce que tu n’as rien appris ou que c’est finalement juste trop poche de courir pis manger des graines.
Au retour du soleil, tes souliers de course et ton chia restent dans l’ombre pis tu déclares solennellement que tu acceptes ton corps comme il est.
Tant mieux t’sais.
Mais je te prédis un retour en force à la phase 1 à grands coups de balance, de pognage de bourrelets pis de grimaces devant le miroir dans un futur rapproché.
Bienvenue dans le cycle infini du gras de ventre.
Laisser un commentaire