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Élèves-tu une chochotte ? Un modèle two thousand qui n’a pas le droit de crier dans la maison, de pleurer pour rien, de rouspéter sous tes ordres pis de se fâcher devant ta grande sagesse ? Une version améliorée de l’enfant typique des années soixante-dix qui partage à qui mieux-mieux avec tout le monde quitte à donner un rein à son prochain et qui ne doit jamais dire caca-pipi-poil ou yes-j’ai-gagné sous peine de t’auras-pas-de-iPad-avant-jeudi ?
Tu te fais un devoir d’apprendre au fruit de tes entrailles à partager avec son prochain. Tout partager. Partager son jouet, partager son jus, partager sa collation-pas-de-peanuts. En pleine lecture du nouveau bestseller de Pat Patrouille version carton, si un dix-huit-mois baveux s’approche de la chair de ta chair en tendant les bras, tu lui ordonnes de lui refiler ledit livre pour être smart. Le partagerais-tu, toi, en pleine lecture, ton roman des Cinquante nuances de Grey, un peu graissé, parce qu’une totale inconnue un peu excitée t’accosterait dans la rue en te l’arrachant des mains sous prétexte qu’on partage dans la vie ? Une fois sorti du grand monde de l’enfance en pain d’épice dans la vraie rue avec des vraies autos qui écrasent les vrais gens, peux-tu me dire quel adulte partage à qui mieux-mieux son auto sur la quarante, son bicycle en pleine piste cycable, ses DVDs au beau milieu d’un film pis son ordinateur portatif en pleine rédaction ? Je t’entends quant tu me dis que le partage est une valeur que tout parent doit inculquer à ses enfants pour qu’on vive dans un monde meilleur. Pis je te dis oui. Certainement. Sans sombrer dans l’extrémisme. En lui laissant préférablement la collation qu’il a déjà dans la bouche. Et en lui apprenant que ça se peut aussi, quelque chose qui n’appartient qu’à lui. Parce que la vie est aussi faite de ça.
Tu l’encourages comme une cheerleader euphorique dans tout ce qu’il entreprend en passant par le jeu de mémoire version Minions, l’initiation au soccer et la course à pied entre amis. Comme il est jeune et plus ou moins doué, qu’il court comme un pantin dont les membres sont reliés avec des cordes et qu’il a autant de motricité fine qu’un ours polaire, il perd plus souvent qu’autrement dans un tonnerre de larmes et de boudage en bonne et due forme. Boudage auquel tu réponds systématiquement par un classique l’important-c’est-de-participer. C’est vrai. L’important c’est d’avoir du plaisir. C’est à la base de toute chose. C’est un fait. Tu ne veux pas créer un monstre avide de victoire qui fait la gueule devant chaque défaite.
À c’t’heure, je t’invite à recracher la pelletée de sable que t’as dû manger en enfouissant ta tête dedans; dans la vraie vie, celle où les Calinours ne se promènent pas dans des chars en nuage, tu ne récolteras rien de plus tangible que du plaisir pis un toutou laitte à la foire avec ta participation. Pis aux dernières nouvelles, ni l’un ni l’autre ne met de beurre sur tes toasts. La compétition, la pratique pis l’effort à la sueur de ton front, ça fait partie de la vie. Pis il y en aura toujours un plus fort que l’autre. Life sucks t’sais. Si tu veux réussir, un bon moment donné, il va falloir que tu gagnes. Que tu gagnes quelque chose de mérité. Mais il va ben falloir que tu gagnes quand même. Ça fait que quelque part, à travers ton apprentissage de la participation qui n’en demeure pas moins importante, n’oublie pas d’insérer « le plaisir de se dépasser et la fierté de gagner » quelque part. Parce qu’à vingt ans, ta progéniture ne décrochera pas son diplôme en participant pis c’est toute qu’une chance. Te ferais-tu soigner, toi, par un docteur qui a mis le grappin sur son diplôme avec une moyenne de 40% pour cause d’excellente participation ?
Si la chair de ta chair excelle dans une discipline ou qu’elle gagne cette fameuse course à pied qu’elle perdait systématiquement chaque fois et qu’elle crie victoire, tu la soudoies d’être heureuse moins fort. T’sais, en compassion pour ceux qui ont perdu. En lui envoyant le message de rester petit dans sa victoire. Don’t go big body. Stay small for the losers. Tiens-toi le bien pour dit, je déteste les gens qui te crient leur victoire dans les oreilles avec leur sourire arrogant mais je ne tairai jamais la fierté d’un enfant.
C’est tout à ton honneur de vouloir faire de ta progéniture un Gandhi, mais ce qui serait formidable, c’est qu’il lui reste deux ou trois traits de caractère au-delà de la copie conforme de la Mère Thérésa que tu tentes parfois de faire de lui le jour où il volera de ses propres ailes.
T’sais, comme toi, personne ne m’a remis le mode d’emploi et je n’ai pas reçu la science infuse en échange d’une dent de lait sous l’oreiller. T’en prends, t’en laisse. Mais un jour ou l’autre, ta progéniture s’envolera vers l’avenir et si elle pensait virevolter à outrance avec les papillons dans un champ bucolique, ça se peut qu’elle prenne toute une débarque si tu ne l’as pas prévenue de l’existence des baywindows.
Anglissismes quand tu me tiens! Pourquoi tant de mots anglais?
Les anglicismes contenus dans ce texte font partie intégrante du langage couramment parlé au Québec et c’est dans ce langage, celui que nous utilisons tous les jours, que nous souhaitons nous adresser aux lecteurs. Je suis personnellement d’avis que la langue française n’est pas coulée dans le béton. C’est une langue vivante qui fluctue, aux couleurs qui varient, et c’est ce qui en fait la beauté.
Bonsoir chère consœur maman,
Je me permets ce soir de commenter votre article sur le partage. Partager, c’est une valeur qui est universelle . C’est bien au-delà des simples objets. Toute ma vie durant…j’ai partagé… mes idées, mes connaissances, mes avoirs… et c’est une valeur que j’ai envie de transmettre à mon kid. Votre article m’a profondément déplu et déçu. J’espère vous inciter à penser autrement. Le partage, c’est ce qui nous différencie des animaux.
Absolument et je crois qu’il s’agit assurément d’une valeur importante à transmettre. Je pense aussi toutefois que le partage a ses limites et que ses limites peuvent aussi être transmises 🙂
Je suis d’accord avec vous. Ce n’est cependant pas facile de transmettre toutes ces nuances à un enfant. C’est certain qu’elles doivent l’être, mais pas toutes en même temps. On commence par le partage, après, on explique qu’on n’est pas forcé de partager tout le temps. C’est ça, grandir, c’est en apprendre un peu plus chaque jour. Ce n’est pas parce qu’un enfant de deux ans partage tout qu’il le fera encore à 15 (je doute qu’il aime partager son chum ou sa blonde!). Chaque chose en son temps. Pour les tout-petits, la participation, c’est assez. Quand ils grandissent, on leur apprend le dépassement de soi et à être de bons perdants ainsi que de bons gagnants. C’est comme ça qu’on construit des adultes responsables capables de faire face à l’échec sans violence ni abandon, qui partagent sans se laisser manger la laine sur le dos. Maintenant, en tant que parents, nous devons leur faire comprendre tout ça!
Quel point de vue rafraîchissant! Life suck’s! Mets-en!
Je suis tellement heureuse de voir qu’il y a encore des gens qui comprennent que la vie n’est rien de moins qu’une grande course où tu essaie de te classer le mieux possible en utilisant tes forces et en travaillant tes faiblesses! C’est ce que je tente d’inculquer à mes enfants.
La vie c’est pas juste tsé, pis t’es pas plus merveilleux que les autres! ?