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Ça y est, c’est enfin le grand jour. Mon tant attendu rendez-vous chez la coiffeuse est à quinze heures. Tu me regardes avec une moue pas possible, moi, la mère indigne qui va te laisser deux heures de temps nos marmots possédés du diable. Je peux déceler la haine persécutrice au fonds de tes yeux gris, toi, le grand enfant qui tous les jours de sa vie goûte à la liberté d’être un individu à part entière.
J’passerai pas par quatre chemins. Aujourd’hui, le chum, tu me fais chier pis pas à peu près.
Sais-tu ce que c’est pour moi, le feeling de prendre le large, le volume dans le tapis, le vent dans ma toque grasse pognée en pain depuis trois jours ? As-tu une idée de c’que ça m’fait de conduire les vitres baissées sans recevoir un biberon derrière la tête ou tenter de redonner la suce introuvable à notre p’tite dernière qui se vomit les poumons de tristesse ?
Écoute-moi ben le chum, c’est pas compliqué, j’me sens comme un golden retriever à qui on autorise une ride de char. Un simple cabot qui était pas sorti depuis l’avant-guerre. Ça fait que j’ai la bouche grande ouverte pis je gueule ma toune comme si c’était la dernière fois que je chantais. Pis c’est possible que je fasse certains détours pour l’écouter jusqu’au bout.
Laisse-moi donc sortir.
En dix minutes, j’suis capable d’aller te chercher un sac de lait tout en retrouvant une partie de moi trop longtemps mise au rencart jadis quelque part entre deux poussées dans une salle d’accouchement. J’te garantis que c’est pour votre bien. Je régénère mon disque dur pour mieux t’endurer t’aimer et procéder quotidiennement à l’exorcisme de nos terreurs like a boss.
Ça fait que la coiffeuse m’attend, m’en veux pas trop t’sais. Oh, et avant que je l’oublie, dans deux semaines, va t’acheter de l’eau bénite pis fais un X sur le calendrier, j’m’en vais chez l’esthéticienne.
STÉPHANIE HÉBERT
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