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Suite à l’avènement de l’enfant chéri arrivent souvent des semaines de disette sociale pour les parents. Oh, vous me direz que c’est bien normal, qu’une fois passé le tourbillon des visites, maman et bébé doivent se reposer et se trouver un rythme bien à eux, et vous aurez raison. Cependant, après la fin des semaines de congé de paternité, on observe un spécimen de maman très répandu dans les centres d’achats à magasiner le linge pour leur bébé ou dans les cours de cardio-poussette : la femme qui ne parle plus assez souvent à des adultes.
Elle s’en est rendu compte, un beau mardi matin de canicule, en épinglant son linge sur la corde, alors qu’elle s’est surprise à appeler l’écureuil à queue blanche qui habite son chêne par le p’tit nom qu’elle lui a donné. Queue Blanche, donc, se baladait nonchalamment sur le fil électrique d’en arrière et elle s’est mise à l’engueuler parce qu’il faisait tomber des glands sur la piscine.
Une fois son linge étendu, elle entra dans la maison. Le bébé avait faim, elle s’installa sur le divan et regarda l’épisode de la semaine de « Douanes sous haute surveillance » pour le faire boire. Pour la deuxième fois. C’est alors que l’inimaginable se produisit. Elle comprit qu’elle avait été désocialisée; sans même s’en rendre compte, elle avait pété. Elle fut surprise par le bruit, comme s’il venait d’autrui. Mais non, c’était bel et bien elle qui s’était laissée aller sans même avoir réfléchi avant de le faire.
L’heure du bilan avait sonné :
Dents : brossées hier soir, mais pas ce matin.
Cheveux : auraient dû être lavés hier soir, mais auraient surtout dû être teints depuis quelques semaines.
Aisselles : Oups.
Nous passerons sous silence l’état des jambes et autres futilités comme le bikini.
Vêtements : mous et âgés.
Sous-vêtements : datant de l’ère pré-reproductive pour le bas, difforme et étiré pour le haut
Yeux : pochés
Elle prit alors une décision qui, assurément, lui sauverait la vie. Dès le lendemain, elle se leva à une heure potable et fit tout pour pallier à la situation. Mais c’pas toujours évident, parler à des adultes, quand t’es en congé de maternité. Tes amies travaillent ou sont prises au piège du même cercle vicieux. Comment faire, alors, pour s’en sortir?
N’écoutant que sa fierté, elle prit son orgueil à deux mains et régla d’abord tout ce qui peut se régler dans la douche. Pour le reste, elle planifia un rendez-vous derechef chez sa coiffeuse qui la croyait déménagée. Et, fin prête, quelques lavages plus tard, elle prit d’assaut le centre d’achat du quartier. Attelez-vous, personnes âgées et commis de restaurants rapides de tout acabit ! Elle débarqua, (presque) fraîche et dispose pour jaser.
L’avez-vous déjà vu, cette-fille là ?
Elle se remarque facilement : vêtue comme si elle allait travailler un casual-friday pour pas avoir l’air d’en faire trop, une p’tite shot de mascara pour la forme et le regard hagard, elle guette la moindre opportunité de communiquer avec une autre représentante de sa gang. Vous la verrez, mettant en valeur son accessoire-mode de prédilection, dépendant de la catégorie dont elle fait partie : poussette de sport dernier-cri, porte-bébé ou écharpe exclusive ou modèle de l’un ou l’autre vintage qu’elle a fait customiser selon ses goûts personnels par une couturière spécialisée dans les trucs de bébé faits-à-la-main-hors-de-prix.
Watch out, mesdames, car si vous avez la chance d’avoir en commun quelque cache-couche que ce soit, c’en est parti pour une conversation éclectique sur le sujet. Étant donné que la pauvre n’a pas perdu que son sens de la retenue, elle ne sait pas trop, non plus, comment entretenir une conversation civilisée. Il est alors fort probable qu’elle saute du coq-à-l’âne, vantant les mérites du nouveau détachant en vogue, qui s’occupe si bien des taches de carottes laissées par son adorable chérubin, pour ensuite s’épancher sur les aptitudes exceptionnelles de son enfant qui est tellement différent (car ils le sont tous, n’est-ce pas ?) et terminer en vous posant des questions sur votre propre expérience de cododo, saisissant l’opportunité de vous donner son opinion sur les vaccins. Opinion qu’elle risque de moduler selon votre réaction à son affirmation. On ne laisse pas filer la chance de se faire un allié, aussi temporaire soit-il.
Il ira donc de soi de la laisser finir de vous parler, accueillant son épanchement verbal d’un regard plein de compassion, probablement aussi de quelques hmm hmm de psychologue, car vous aussi en étiez là il y a si peu de temps, n’est-ce pas? Et telle la maman que vous êtes, vous l’orienterez gentiment vers un pas qu’elle hésite à franchir et la ferez grandir en l’accompagnant vers le rétablissement de ses aptitudes sociales. Sans vous en rendre compte, vous l’aurez probablement sauvée. Qui sait, deviendrez-vous peut-être de nouvelles amies de congé de maternité ?
MICHÈLE TOUSIGNANT
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