Depuis que tu sais que tu veux des enfants, et c’est pire depuis le jour où t’as appris que t’étais enceinte, tu idéalises ton avenir rapproché. Tu analyses désormais les faits et gestes des enfants des autres pis tu juges en te disant que toi, ton enfant sera pas comme les autres. Avoue.
Sauf que c’est aussi absurde que d’espérer pouvoir manger un tacos sans que la coquille pète ; dès la première bouchée, tout s’écroule pis se ramasse dans le fond de ton assiette. Comme l’image que j’avais de l’enfant parfait. Parce que rassure-toi, j’ai moi aussi déjà eu ces réflexions utopiques avant de devenir officiellement propriétaire d’un chérubin.
Tu lis un article qui explique à quel point les nouveaux parents sont épuisés et ne dorment plus. Ça te glisse dessus comme de l’eau sur le dos d’un canard parce que toi-ton-bébé-va-faire-ses-nuits. Aujourd’hui ta progéniture frôle la maternelle pis tu te rappelles pu la dernière fois que t’as dormi huit heures d’affilée.
Le plus jeune de ta voisine se nourrit rien qu’aux Ficello et aux Poptarts parce que les légumes pis la viande, ça le dégueule. Mais ça ne t’arrivera pas, car toi-ton-enfant-sera-pas-difficile. C’est pas trop tard que tu te surprends à pacter une cargaison de Kraft Dinner du Costco dans le char parce que finalement, les nouilles orange fluo, ça dépanne plus souvent que tu pensais.
Au bureau, t’entends parler tous les autres parents qui font garder leur progéniture pour la première fois en six mois pour sortir un soir au resto. Comme une chef, toi, tu te dis que vous-allez-traîner-votre-bébé-partout. Chez mamie et papi ça compte tu comme partout ça? Parce que ta sortie du mois c’est d’aller souper chez tes parents.
Ta collègue te raconte la fois où son gars a failli mourrir parce qu’il a mangé une peanut et que le pauvre y était allergique. Ça, c’est sans compter son intolérance au lactose pis au blanc d’œuf. Mais anyway, ton-enfant-aura-pas-d’allergies. Sauf qu’aujourd’hui, c’est toi qui raconte la fois où y’a eu l’air d’un Pokémon rose et boursoufflé après sa dose de pénicilline.
Dans la file à l’épicerie, y’a une mère qui feuillette une revue de Ricardo au lieu de gérer son kid qui hurle pour débarquer du panier. Ta petite voix intérieure te dicte que toi-t’auras-pas-un-enfant-colérique-pis-tu-vas-savoir-gérer-ses-crises. Jusqu’au jour où ton rejeton te fait sa première danse du bacon sur le plancher de la salle d’attente de la clinique et qu’à ton tour, tu te sens soudainement jugée par la fille enceinte assise sur la chaise d’en face.
Dans tes dents, la grande. Ton enfant est comme celui des autres.
ROSE-MARIE MARTEL
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