Je suis maman de triplés. Pour que ce soit crystal clear, c’est pas différent des autres mamans. À quelques p’tits détails près.
Il y a l’annonce. « Ha madame, félicitations, il y a un beau p’tit cœur qui bat. Heu, attendez, non, deux p’tits cœurs. Hoonnn… heuu… ben finalement, c’est trois p’tits coeurs. C’t’un gros matin ! » Tu ne croyais pas si bien dire, gentil technologue. L’annonce d’une grossesse multiple, c’est comme un solide coup de deux par quatre carré dans’face de ton projet de vie. Tin, arrange-toi avec ça, madame j’veux-une-carrière-et-deux-enfants-et-un-chien. Le chien survivra jamais.
Il y a la naissance. T’sais, accoucher-à-la-pleine-lune-dans-un-bain-de-lait-de-coco-au-jasmin-en-méditant-pleine-conscience-avec-l’aide-d’une-sage-femme-accompagnante-bienveillante, avec des multiples, y’en est juste pas question. Il y avait une équipe médicale digne du Rouge et Or à mon accouchement, pis j’avais assez peu voix au chapitre. Ça fait que, fais-moi pas brailler parce que ton plan de naissance a pas été respecté. Je le reconnais, c’est pas drôle, mais moi, mon plan de vie a pas été respecté. J’pense que je gagne les doigts dans l’nez.
Il y a l’allaitement. Ici, le commentaire sera court. Deux seins, trois bébés, zéro énergie, une maman en pleurs. Mettez ça dans l’ordre que vous voulez.
Il y a le lien unique que, selon la coutume maternelle, tu dois créer avec la nouvelle prunelle de tes yeux, qui dans mon cas, était trois. As-tu déjà regardé ça ben longtemps, trois prunelles d’z’yeux, sans être étourdie ? Sans pleurer toi aussi parce que tu peux pas tous les prendre dans tes bras, quand ils hurlent pis qu’y te rendent folle, pis que tout le monde te dit de pas laisser pleurer les bébés, que ça faisait exploser leurs cerveaux ? Guilty. Oublie ça le lien unique, ça s’pourra pas. Never.
Pis y’a le congé de maternité qui, loin d’être l’expérience épanouissante et relaxante promise, est un marathon, enrichissant certes (d’un certain point de vue, j’imagine), mais triplement intense, de couches, de biberons, de vomi en concert, tout ça entrecoupé de tentatives de faire comme les autres. OUT, le yoga-méditation-poussette-cardio-boxe-cinéma-aquarium, les sorties au centre-de-psychomotricité-fondamentallo-montessori-essentielles-pour-le-développement-de-l’enfant, les cossins trendy (parce que déjà à la base ça coûte la peau des fesses, t’sais si en plus tu doubles ou tu triples l’déjà trop cher), pis le magasinage-entre-copines-et-chérubins. IN, les marches dans le quartier (anyway, ça amuse les gentils retraités dans leur bay window, avec qui on fait forcément connaissance, au fil des marches), la réception d’amies à la maison (t’sais, ton singleton va s’habituer rapidement au CPE s’il vient chez nous avant) pis le seul-gym-de-la-ville-qui-a-une-garderie-qui-en-veut-bien-trois.
Mais mis à part ces quelques détails, on est exactement comme les autres mamans. On veut autant que les autres aller exhiber notre gentille progéniture au parc (avec Françoise-Rutabaga), qu’ils soient habillés, sinon à la dernière mode, du moins de façon adéquate (OK, juste qu’ils soient pas trop sales), qu’ils se développent de façon normale et au même rythme que les autres. Dites-nous pas « C’pas pareil, toi t’en as trois », parce que c’pas vrai, pis c’est limite du bullying de mamans de multiples. On veut jaser avec vous, mamans de singletons du parc, d’un ton dégagé et nonchalant, sans que vous rouliez des yeux pis que vous disiez « Pauvres vous ! ». On veut que vous vous rappeliez de leurs noms et que vous arrêtiez de les appeler les Triplés. C’pas un nom, ça. On appelle pas votre Précieux « Le singleton ». C’est juste pas poli. On veut être plates, normales, banales, se fondre avec le banc du parc pis l’arrière-plan d’la pataugeoire.
Tsé, au fond, une maman de multiples, c’est une maman avec des goûts, des aspirations pis des envies toutes pareilles comme toi, mais avec trois fois plus de besoins et deux fois moins d’opportunités. Ça fait que la prochaine fois que tu me croises, regarde mes enfants, dis-moi « Y’ sont ben beaux ! » pis invite-moi à aller au parc avec ma gang.
MAMAN AU CUBE
Je t’adore. Merci pour ce bel article, j’en ai ri aux larmes pis ça m’a fait franchement du bien. Tu devrais écrire un livre, bravo!
Signé une moman de doubleton.
J’ai adoré te lire. Je me suis vue dans tes commentaires. Cela fait du bien de voir que l’on est pas toute seule.
Petite maman de triplés!
Je viens d’apprendre que j’attends des triplés alors que j’ai déjà une petite fille de 34 mois et un garçon de 15 mois. Te lire me fait rire et pleurer en même temps!
Je suis également enceinte de triplés prévus pour le 1er mai 2019
Déjà maman d’un garçon de 9ans et une fille de 5ans en lisant ça je suis partagée entre rire et larmes un peu comme le jour où on ma annoncé que ce 3ème bébé qu’on avait prévu d’avoir n’était finalement pas tout seul à partager mon bidon.