Le but ultime du grand ménage du printemps, c’est de te faire déculpabiliser de pas avoir été assidue sur le Swiffer dans la dernière année toutes les fois que t’as pas déplacé les meubles en passant la balayeuse pis que t’as volontairement fermé les yeux devant les stores pis les rideaux à dépoussiérer même si tu savais très bien qu’une cité urbaine d’acariens y avait élu domicile. Pour t’autoflageller de ton manque de rigueur, quand les arbres bourgeonnent, t’ouvres les fenêtres pis tu sors ton attirail de Madame Blancheville au grand complet pour passer une journée de rêve à te faire suer pis à mordre la poussière en t’adonnant à un paquet de tâches toutes plus inutiles et invisibles à l’œil nu les unes que les autres.
Normalement, tu commences par avancer ton poêle pis ton frigidaire avec toute l’énergie de ton désespoir pis tu pars à la chasse aux trésors. Cherrios, vieux bleuets secs, cheveux, petits chars, reste de spag foireux qui s’était sauvé par la craque qui tue entre le poêle pis le comptoir, name it. Ton imagination débordante n’est même pas proche de s’imaginer tout ce que tu peux trouver. Même si tout est sec, pour une raison obscure, il y a comme une flaque collante à décoller en dessous de toutes ces belles découvertes-là à grand coup de Spic ‘n span même pas dilué. Tu me diras que l’exercice en valait la peine compte tenu de tout ce que t’as ramassé là. Ben je te dis non. Dans trois ans, le résultat aurait été exactement le même. Je le sais, je l’ai testé pour toi. Dans ta to do list, fixe la récurrence de l’activité à tous les cinq ans. C’est ben en masse.
Après ça, comme t’es ben parti, tu passes la balayeuse de fond en comble de la maison en déplaçant tout ce qui se déplace à grand coup de scratches sur ton plancher de bois franc. Dans ta motivation extrême, tu passes même dans tous les garde-robes. Tu m’épates déjà. Avec mon syndrome de ce-qu’on-voit-pas-fait-pas-mal, j’en suis physiquement incapable; mon bras s’arrête quand je passe les portes de garde-robes pis le cerveau me gèle.
Une heure et demie et beaucoup de fierté plus tard, tu pèses sur OFF au plus grand soulagement de tes oreilles pis de celles de toute ta famille, tu gosses pendant cinq minutes pour faire rentrer le fil de courant dans son trou pis tu balances la balayeuse au bout de tes bras avec un sacre bien senti.
Étape suivante.
Tu sors ta moppe pis ta chaudière pis tu commences à laver le plancher. Tu te rends compte que ta moppe, qui ne réussi pas à nettoyer aucune des petites câlisses de taches noires sur le plancher parce que ça prendrait un couteau, un ongle ou n’importe quoi de pas mal plus raide que des vieux lambeaux de vadrouille qui sentent le cadavre, est tellement pleine d’eau que la céramique sera pas sèche avant l’automne. En plus, en repassant sur la pointe des pieds sur un coin semi-séché parce que tu ne t’es laissé aucune porte de sortie, tu te rends compte que t’as clairement pas assez dilué ton mélange de Spic n’ span pis que le plancher est ben collant. Genre vraiment plus collant qu’avant que tu le laves. Genre que tu vas être obligé de le relaver. Genre que t’as perdu ton temps. Tu sacres.
Pis quand tu finis ton deuxième lavage, tu double-sacres. Tu viens de te rendre compte que tu as moppé le plancher avant de dépoussiérer la maison championne. Ben non, calme-toi, c’est pas grave. T’as juste perdu deux heures et demi de ta vie à faire l’affaire la plus poche au monde pour rien. Y’a du monde qui meurt de faim t’sais.
Mais c’est le grand ménage du printemps pis tu lâches pas. Tu manques de te disloquer le dos en tirant tes rideaux de leur pôle pis, pendant qu’ils marinent dans la laveuse, tu sors ta guenille qui sent la mort comme toutes les guenilles pis tu dépoussières tes stores. C’est chiant. Parce que les stores, c’est pas un long fleuve tranquille. C’est plein de câlisses de cordes qui t’empêchent de faire ta job avec efficacité. Quand le buzzer de ta laveuse crie pour t’avertir que tes rideaux sentent le frais lavé, t’en est à la moitié. Moi je te dis fuck. Tu feras le reste l’année prochaine.
Quand t’ouvres la laveuse, tu constates que tes beaux rideaux blancs comme neige sont rendus roses comme les fesses d’un cochon. Ouais. C’est parce que t’avais jamais lavé tes rideaux rouges pis que tu les as mis dans la même brassée fille. Pas besoin de te dire que si tu les avais tous laissés accrochés dans les fenêtres d’Acarien’s City, t’en serais pas là. L’année prochaine, fuck le lavage des rideaux.
Ta jauge de motivation est rendue ben basse. Mais t’abandonnes pas. Il faut que tu laves les murs. C’est quoi l’idée de laver les murs ? Je veux dire, à moins de rester avec Spiderman, tu les salis quand, tes murs ? Tu postillonnes dessus quand tu parles ? Ton plus jeune s’essuie les fesses dessus ? Ah non, tu t’appuies dessus quand tu mets tes souliers. OK. Pis t’as mis tes souliers en t’accotant sur chaque pied carré de mur chez vous ? Même à côté de la tinque à eau chaude ? Prends.un.break.
Je passe aussi le lavage des armoires. Je t’interdis de faire ça à moins d’y avoir préalablement renversé un litre de mélasse ou de mettre ta vaisselle sale dans tes tiroirs. De la vaisselle propre dans une armoire propre = rien à laver à moins d’un TOC sévère.
Ça fait que ton ménage est fini. Ton plancher est collant pis Acarien’s City est déjà en phase de reconstruction. Tes stores sont semi plein de poussière. Tes rideaux sont roses pis t’as mal dans le dos. Mais ton derrière de poêle pis tes murs sont cleans en tabarouette. Sauf qu’y’a personne pour s’en rendre compte, même pas toi.
L’année prochaine, quand l’envie te prendra de faire le grand ménage du printemps, cours à la SAQ, achète-toi une bouteille du meilleur champagne, reviens chez vous, pop le bouchon pis célèbre le temps pis l’énergie que tu viens de gagner à laisser faire en profitant des premiers rayons de soleil de la belle saison.
Bon été !
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On est vraiment, mais vraiment sur la même longueur d’ondes! Je suis particulièrement fan du critère « invisibles à l’œil nu ».
Mon plus beau fou rire depuis un bout. Merci ben!