Premier sourire, premier mot, premier pas, premier pipi dans le pot, première année. En tant que mère standard, tu t’es laissée ravager par le stress chaque fois. À toutes les fois que ton bébé a dépassé le deadline établi par les statistiques, l’infirmière du CLSC, ta grand-mère et par le gars surdoué-ben-que-trop-en-avance-sur-son-âge-de-ta-chum, t’as paniqué.
Deux mois. Il n’avait toujours pas fait son premier sourire. T’as pensé qu’il souffrait peut-être d’une paralysie de la bouche. Tu suivais la page Facebook d’une petite fille malade qui avait exactement les mêmes symptômes que ton bébé si on fait abstraction du fait qu’elle était intubée pour manger et qu’elle était branchée sur un respirateur artificiel. Deux semaines après t’avoir figuré les pires scénarios, avoir consulté ton pédiatre à deux reprises et avoir appris par cœur le nom de toutes les paralysies de la face, ton bébé a souri.
Douze mois. Il n’avait toujours pas dit son premier mot. Tu n’as fait ni une ni deux et tu as couru chez l’orthophoniste. Quand ils t’ont demandé si ton enfant réagissait aux bruits ambiants, tu t’es rappelée la fois où ton chum passait la balayeuse et ton garçon ne s’était pas retourné quand tu l’avais appelé. Paniquée, tu as donc répondu que non. C’est là qu’ils ont ajouté ton nom à l’interminable liste des parents-hypocondriaques-du-Québec-qui-s’inquiètent-ben-que trop-de-bonne-heure-des-retards-de-langage-de-leur-pauvre-enfant-en-plein-développement. Temps d’attente estimé : un an. Tu étais outrée et tu as fait tes propres recherches pour trouver les meilleurs exercices pour développer le langage chez l’enfant-ben-que-trop-jeune-pour-parler. Tu n’as pas eu le temps de les mettre en application : deux jours plus tard, il disait « Papa », « Maman » et s’il avait pu, il aurait ajouté « prend ton gaz égal ».
Dix-huit mois. Il ne marchait pas encore. Tu as pleuré. Les enfants de tous tes amis marchaient depuis six mois. Tu enlignais ton pauvre fils comme un handicapé privé de ses jambes. Toutes tes recherches web pointaient vers une dystrophie musculaire sévère. L’infirmière du CLSC te regardait avec une compassion démesurée. Ton pédiatre avait prescrit un rendez-vous chez le neurologue. La totalité de membres de ta famille était atterrée par ce retard sévère qui compromettait la vie de ta progéniture. Dans ta grande inquiétude, tu ne l’as même pas vu quand il s’est levé debout pour la première fois à dix-huit mois et demi et il t’a pris par surprise quand il a fait ses premiers pas à dix-neuf mois alors que tu pleurais sur son sort en espérant qu’il pourrait se déplacer en skateboard comme Kenny.
Trois ans. Il faisait encore pipi. Partout. Impossible de lui enlever sa couche pour de bon. Tu passais tes grandes fins de semaine assis sur la toilette dans la salle de bain avec lui à faire des bruits de rivières avec ta bouche pour stimuler sa vessie. Cinq minutes après avoir quitté le petit pot, il faisait systématiquement pipi par terre. Tu lisais que tu devais tenir bon. Ta voisine te disait que tu étais en train de perturber ses sphincters en insistant. Tu le voyais déjà traîner ses Depend à dix-huit ans pour aller coucher chez sa blonde en raison de son incontinence sévère. Tu as acheté pour deux cents piastres de livres sur le sujet. Tu t’es procuré le pipi pad qui crie quand les enfants font pipi la nuit et le nombre d’heures moyen de sommeil par nuit a chuté dramatiquement pour tous pendant trois mois. Au bout de ta vie et de ton sommeil, tu as abandonné le projet. Un mois plus tard, tu trouvais ton gars assis sur son petit pot garni d’un pipi jaune et d’un caca mou. T’as pris des photos.
Aujourd’hui, cinq ans, tu trouves que tu t’es énervée pour rien, tu souris en lisant cet article et tu penses à toutes ces pauvres mères qui se font un sang d’encre présentement en s’énervant pour les mêmes motifs. Tu te félicites d’avoir compris. Parce que maintenant, t’es au-dessus de tout ça, toi, du haut de tes cinq années d’expérience.
Profite bien de ton break. Je te promets une double-dose de stress quand tu croiras dur comme fer que ta progéniture souffre d’un retard d’apprentissage quand elle pleurera sa vie pour ne pas faire de surlecture et que tu redouteras une dyslexie sévère quand elle écrira anticonstitutionnellement en inversant les « n » et les « l ».
Bref, on ne s’en sort jamais. Mais le stress diminue drastiquement quand on prend le temps de réaliser à quel point nos enfants font du chemin chaque jour. Penses-y la prochaine fois que tu seras pris d’une attaque de panique parce que ta progéniture bégaie, s’enfarge dans le tapis ou ne se retourne pas quand tu l’appelles.
*** Cet article ne vise en aucun cas à diminuer les retards et les problèmes d’apprentissage réels mais à banaliser les craintes qui se matérialisent souvent beaucoup trop tôt dans la tête de toute maman qui se respecte.
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