Force est d’admettre que l’idée qu’on presse trop les enfants et qu’il faut leur laisser le temps de vivre leur vie d’enfant avant de devenir des adultes pressés est en train de devenir ben populaire.
Qu’on partage l’idée à temps plein ou à temps partiel, un jour ou l’autre, on a pratiquement tous pris la résolution d’arrêter de dire « Dépêche-toi » et de laisser les enfants niaiser dans le passage pendant qu’on a le coat sur le dos. Mais ça n’a pas marché pour un paquet de bonnes raisons.
La première bonne raison, c’est que le temps, ça se suspend pas.
Que tu sois un modèle de zénitude ou pas, tu dois quand même laisser ta fille à l’école à huit heures moins cinq , te présenter au bureau avant 8h30, ramasser ton plus jeune à la garderie avant 6h00, sortir le pâté du four à 6h15 pis si t’arrives en retard au cours de karaté, les chances que l’entraîneur t’enligne de travers sont tangibles. Ça fait que non, tu ne laisses pas ta grande prendre 15 minutes pour zipper son coat, mettre ses bottes après avoir boudé pendant 20 minutes pour ne pas aller à l’école et finir ça avec un spectacle de théâtre de mitaines à 7h30 le lundi matin même si son scénario est ben ben bon pis que l’intrigue est super enlevante. Ça fuckerait ton horaire déjà serré. Je t’entends me dire que c’est pas si grave, juste une fois de temps en temps. Mais ça, c’est parce que tu n’as pas encore croisé le regard crucificateur de la secrétaire de l’école à huit heure et quart.
J’ai déjà soumis la problématique des matins pressés à une amie qui n’a pas d’enfants. Elle m’a dit de me lever 15 minutes plus tôt. J’ai ri. T’sais, dans un monde en pain d’épices, le concept est pas mal logique. Un peu comme de penser que c’est la faute du gars en avant-en avant si t’es pris dans le trafic. C’est certain que je l’ai testé; c’est tous notre premier réflexe. Mais je suis revenue du Paradis Utopie assez vite après avoir perdu mes précieuses minutes d’avance, fois après fois, test après test, pour une raison qui me dépasse. Ces 15 minutes-là doivent finir dans un trou noir parce que je n’en ai jamais vu la couleur et j’ai toujours dû skipper le show de mitaines pareil.
La deuxième bonne raison de presser les enfants, c’est le bien-être physique et mental de tous.
Ça se peut que tu ne permettes pas à ton plus vieux d’étirer le souper jusqu’à ce qu’il soit ben frette et qu’il ait tellement tripoter ses patates que même un chien affamé n’en voudrait plus. Mais ça, c’est parce que tu sais très bien qu’en remplacement des patates froides plus mangeables, Fiston va vouloir manger une cochonnerie parce qu’il a encore faim et que ça finira inévitablement avec un biscuit, ou, au mieux, avec un fruit durement négocié, alors que les patates, elles, se ramasseront au fond de la poubelle. Pis ça, c’est plate, parce que faire des patates pilées, ça prend une éternité et ça sali autant de vaisselle que si t’avais reçu l’armée canadienne.
C’est aussi possible que tu ne permettes pas à Fiston de gambader dans les flaques d’eau au lieu d’embarquer dans le char. Mais peut-être que c’est parce qu’il pleut à boire debout, qu’on est en plein mois d’avril et que dans ta grande sagesse d’adulte, tu sais que piler dans une flaque d’eau à -5, c’est pas une bonne idée. Tu constates aussi que c’est désagréable en câlice de se faire pleuvoir dessus pendant que tu attaches le petit dans le char et que ça l’est d’autant plus quand c’est pour regarder le fruit de tes entrailles attraper son 6e rhume de l’hiver, les culottes trempes et l’air triomphant dans ladite flaque. C’est difficile de ne pas se projeter dans l’avenir non lointain et peu prometteur où tu pourriras à la clinique sans rendez-vous avec rendez-vous avec 35 autres chérubins morveux qui ont aussi eu la bonne idée de piler dans une flaque d’eau et de pogner une bronchite en bonne et due forme grâce au laxisme de parents craintifs de brimer leur liberté infantile. J’exagère. Mais c’est ça qui est ça.
C’est vrai que ce serait l’fun de laisser les enfants prendre le temps de prendre le temps un mardi matin ou un jeudi soir entre le déjeuner, l’habillage, le déshabillage, l’école, la garderie, la job, le souper, les devoirs, les cours de piscine, le bain et le lendemain matin qui va arriver ben que trop vite. Mais pour ça, il faudrait vivre dans un monde parallèle, parce que dans le nôtre, la semaine, on court, on raisonne, on limite et on encadre. C’est de même.
Ça fait que si tu veux te donner bonne conscience et laisser tes enfants profiter de la vie, prévois donc rien, samedi prochain. Reste en pyjama avec eux jusqu’à midi au lieu de sauter dans ton char à huit heures pour faire un paquet d’activités éducatives qui ne leur sont clairement pas indispensables, déjeune dans le salon avec eux en écoutant la Pat Patrouille et demande-leur ce qu’ils ont envie de faire de leur dimanche.
T’as pas à te sentir coupable d’avoir l’impression de livrer une course contre la montre à la semaine longue pis d’être un adulte plate semi-robotisé qui répète « Dépêche-toi » à perpétuité. Mais même si la vie va pas mal vite, n’oublie pas de prendre le temps quand tu l’as. Je sais, ça ne représente pas la plus grande partie de ton temps. Mais à défaut de rayer « Dépêche-toi! » de ton vocabulaire, tu le diras moins souvent. Pis un show de mitaines un samedi matin, c’est pas mal le fun quand l’intrigue est bonne.
J’adore tellement ton texte! merci 🙂 d’une maman de 3 garçons de 5 ans et moins.
Merci pour ce texte qui représente tellement ma vie!
J adore vos textes ils me font du bien !
Merci beaucoup, c’est toujours mon objectif 🙂